FAITS DIVERS EN 1839

1839 A.D. 2 Op 1120

1. Acte de dévouement

Relation de préfet
Le 4 novembre 1839, Rose Colomines, âgée de 17 ans, de Corsavy, a sauvé Jean Délos, père de famille, qui était tombé dans le Riuferrer, près d’un moulin et que la rapidité de l’eau l’avait déjà entraîné fort loin, lorsque la jeune Rose Colomines, sans consulter ses faibles forces, s’élança dans la rivière et parvint à l’en retirer
Le Préfet

2. Chute dans la Fou

Lettre du maire, Jean Tixador, au sous-préfet

Corsavy le 6 janvier 1840

Monsieur le Sous-Préfet

Je viens encore vous signaler un malheureux accident arrivé le 4 du curant à la nommée Barboteu Marie, fille, âgée de 17 ans. Au moment où elle se retirait des précipices de la Fou, avec un petit fagot de buis, elle fit un faux pas qui la fit précipiter dans l’épouvantable abîme ; une partie de ses amies qui avaient été chercher du bois avec elles disent n’avoir entendu qu’un cri : haï !, d’autres disent l’avoir vue passer au-dessus de leur tête et tomber dans l’abîme. Environ une heure après le bruit se répandit dans la commune, 4 ou 5 jeunes gens se transportèrent avec moi sur les lieux. On descendit de suite dans la rivière pour y faire des recherches, environ une demi-heure après huit ou dix autres personnes arrivent qui se joignirent aux premiers et suivirent la rivière sans pouvoir découvrir aucune trace de cette malheureuse jeune fille. On se décida alors à remonter là où elle était tombée, on trouva le fagot sur un espèce de bosquet, on suivit la direction du fagot qui leur fit découvrir son mouchoir et des cheveux sur le tronc d’un arbre ; on présuma d’après ces indices qu’elle devrait être plus bas, on y descendit sans pour autant rien découvrir. Ces recherches commencèrent vers 11 heures du matin et furent inutilement poursuivies jusqu’à 4 heures du soir ; je crus prudent alors de faire retirer des précipices tout le monde parce qu’un plus long séjour aurait pu occasionner quelque autre fâcheux accident à cause de l’obscurité de la nuit qui s’approchait.
Hier dimanche vers 9 heures du matin, je me transportai de nouveau sue les lieux avec 8 ou 10 personnes chargées de cordes, sitôt sur les lieux tout le monde se sépara, afin de découvrir l’endroit où elle pouvait être, toutes les recherches furent encore inutiles. On parcourut à nouveau la rivière, on remonta du côté opposé où elle était tombée, on se percha sur plusieurs points des précipices, l’adjoint criait qu’il croyait la voir sur tel endroit, on y regarde et à force d’examiner, on parvient à distinguer du sang sur la roche, tout près d’une touffe d’arbrisseaux. On remonte de notre côté, chacun nous raconte ce qu’il a vu, sans pouvoir affirmer encore l’endroit où elle se trouvait ; je leur dis alors : « Mes amis, finissons de discuter, il est plus de deux heures, et si vous vous décidez à aller où vous avez découvert les traces du sang, vous n’avez pas du temps à perdre, car il est tout à croire qu’elle est dans cet endroit derrière quelque buis » ; huit individus se décidèrent de nouveau pour se rendre sur le bosquet qu’on avait déjà parcouru plusieurs fois, afin d’attacher un d’eux et les descendre jusqu’à l’endroit où on avait découvert le sang. A 3 heures on attacha un individu on ne l’eut pas descendu plus d’une vingtaine de mètres que la peur le saisit et qu’il cria de le remonter ; on en attacha de suite un autre, celui-ci plus courageux leur criait « Donnez corde, donnez corde » ; il arriva enfin à l’endroit où l’on avait découvert le sang, il y découvrit la victime sans vie derrière un arbrisseau, s’y approcha, l’attache avec une corde qu’on avait eu la précaution de lui faire prendre, la fait descendre vers la rivière et lorsque la corde est finie, il abandonne son fardeau et elle tombe dans la rivière au milieu de l’eau. On entendit de suite le cri de celui qui était attaché qui leur disait de le remonter. Pendant ce temps tout le monde était stupéfait, il y avait du côté opposé où elle était tombée plus de 150 personnes qui regardait en tremblant toutes ces manœuvres, et personne ne disait mot, ce qui imposait plus d’horreur ; j’avais eu la précaution de faire défendre par le brigadier de la gendarmerie d’Arles de ne rien dire ni même faire aucune exclamation, pour ne pas porter la terreur à ceux qui tenaient les cordes, car ils auraient pu être victimes de la moindre perturbation. On n’entendait que le cri de celui qui était attaché qui leur disait de temps en temps « tirez la corde, tirez la corde », cri répété par un long et lugubre écho qui finissait par faire dresser les cheveux sur la tête.
Il y avait dans la rivière environ 12 ou 15 personnes qui remontait la malheureuse victime du côté où nous étions ; on la trouva sans cerveau, tous ses membres fracturés et presque arrachés ; à 4 heures et demi, tout le monde était seulement hors de danger de perdre la vie.
Voilà M. le Sous-Préfet un faible tableau de ce malheureux accident, personne ne peut vous exprimer ni aucune plume vous tracer les dangers que pendant deux jours plusieurs de mes administrés ont été exposés.
En 1814, je vous signalai la mort du père de cette fille par un éboulement de minerai à la montagne de Batère ; la veuve et ses quatre enfants ne reçurent aucun secours du gouvernement. Je viens encore aujourd’hui, recommander à votre inépuisable bonté cette mère éplorée et ses trois enfants en bas-âge, qui n’ont d’autre ressource que leur travail journalier
Je me fais un devoir, M. le Sous-Préfet, de vous signaler aussi le courage, sans exemple, des nommés Rué Jean, Baills Joseph, Oms Jacques, Pagés Michel, Rossignol André, Fondecave André, Paillisser Martin mineur, et Rossignol Joseph ; tous méritent un encouragement de la part du gouvernement et plus particulièrement le nommé Rué Jean qui a montré, étant attaché pour aller à la recherche de la victime, un grand courage en conservant sa présence d’esprit et beaucoup de sang-froid ; tous ont exposé leur vie pendant tout le temps qu’on a fait ces recherches
Veuillez agréer, Monsieur le Sous-Préfet, les sentiments de respect de celui qui a l’honneur d’être
Votre très humble et très obéissant serviteur
Le Maire
Tixador