Les Pasquiers ( An IV - 1848)

A.D 2 Op 1129

An IV

Opposition à la vente par les communes de Corsavy, d’Arles et de Montbolo, des pasquiers ci-devant Royaux
Consistant en une grande étendue de terrain montagneux, servant au pacage des bestiaux, confrontant la montagne de Prats de Mollo jusqu’au sommet du Canigou et les montagnes du Conflent et de Labastide

Lettre au citoyen Préfet des Pyrénées-Orientales
« La commune de Corsavy et pour M. Jean Pons et Jean Fondecave membres du conseil, députés pour cause de maladie du Maire et du décès de l’agent municipal.

En prairial de l’An IV on avait tenté de soumissionner ces Pasquiers mais l’administration centrale sur le rapport qu’on lui a fait « considérant que ce bien est d’une étendue de 5 ou 6 lieues est complanté de hêtres, pins et rabougris, et peut être considéré comme foret, et conséquemment classé au nombre des biens nationaux dont la vente est prohibée par la loi », arrêta dans sa séance du 4 prairial qu’il serait soumis à la vente et qu’il n’y avait pas lieu de délibérer sur la pétition de Jean-Antoine Vilanova soumissionnaire.

Le terrain que l’on propose de vendre aujourd’hui parait même plus considérable.

Les 3 communes ont un droit incontestable sur ces pacages et qui leur sont tous d’une absolue nécessité

La commune de Corsavy a pour elle
1° une charte de Pierre III roi d’Aragon du 25 janvier 1534 qui lui accorde de faire paître les bestiaux sur ces montagnes avec exemption du droit des pasquiers
2° une inféodation du procureur Royal du 1 juin 1453 confirmée par 2 reconnaissances du 18 Xbre 1638 et du 2 7bre 1715 et encore par jugement du commissaire maire des Domaines du 28 février 1725 »

Réponse du Sous-Préfet

Vu les arrêtés de l’administration centrale du département du 24 prairial An IV, vu les concessions privilèges et autres titres qui attribuent aux communes exposantes un droit de pacage sur le terrain dont il s’agit, vu qu’il a déjà été sursis à la vente de ce terrain sur le motif qu’il est considéré comme foret,
Le Sous-préfet estime qu’il y a lieu à ordonner qu’il sera sursis à la vente du terrain appelé les Pasquiers ci-devant Royaux de Corsavy
A Céret le 3 ventose An 9


Le Directeur du Domaine National, le 29 ventose An 9
Estime qu’il y a lieu de suspendre la vente

Sous-Préfet, An 12

Le sous-préfet estime qu’il y a lieu de maintenir la commune de Corsavy dans son droit de paissance sur les Pasquiers de la commune de Corsavy

1806

La Commune de Corsavy réclame le droit d’usage des pasquiers nationaux de Corsavy

Perpignan
Le 4 juin 1806

Les Domaines estiment qu’il y a lieu de déclarer que la commune de Corsavy a le droit de faire paître, tant de jour que de nuit, son propre bétail seulement dans les Pasquiers ci-devant Royaux, de Corsavy, à la charge pour la commune de payer annuellement la rente de 9 francs 98 centimes à laquelle elle a été assujettie par les actes de 1453 et 1736

1808

Le sieur Joseph Vilanova, propriétaire, domicilié à Thuir, héritier de son frère Jean-Antoine Vilanova, qui avait acquis en exécution de la loi du 228 ventose An 4 par contrat du 27 vendémiaire An 5
1. une métairie à Corsavy de l’émigré Costa
2. une autre métairie du même émigré

1809

Estimation des Pasquiers royaux de Corsavy, cédés à la Caisse d’amortissement par décret impérial du 28 février 1809
Par M. Gatumeau expert nommé par le général de brigade préfet des Pyrénées-Orientales

2/5/1810

Préfecture des Pyrénées-Orientales
Arrêté portant suspension de la vente des Pasquiers Impériaux de Corsavy
« ... vu la pétition que dans la vente annoncée des pasquiers impériaux de Corsavy il ne soit point compris le terrain qui a été inféodé à ses auteurs par la chambre des Domaines du 7 mai 1788... »
arrête
1) la vente des pasquiers impériaux de Corsavy est suspendue
2) dans les 10 jours à la date du présent, tous ceux qui possèdent une partie du dit Pasquier, soit à titre d’inféodation autrement seront tenus de produire leurs titres pour qu’ils soient procédé à leur vérification
3) passé ce délai, le Directeur des Domaines fera procéder à une nouvelle estimation des pasquiers

1810

Mise en vente par adjudication d’un domaine national situé à Corsavy consistant en une grande étendue de terrain montagneux, confrontant
1. du levant M. Vilanova de Corsavy et Eloi de Finestret, lesdits confronts à l’endroit dit la fount de Cardebère et le Pla Jugadou où il se trouve une croix sur un roc ferme, et en suivant jusqu’au Puitg de la Soque
2. du midi avec des propriétaires de Montferrer, jusqu’au Pla de la Fage, confrontation de la commune de Prats de Mollo, et de là jusques à une pièce de terre dite la Devèse de Vallbonne appartenant à la demoiselle Cremadells, laquelle devèse n’est pas comprise dans la présente vente, et en suivant droit la crête de montagne jusques à las Portelles de Canigou, confrontation de Commalade jusques à Prats de Mollo et terres des communs du 3ième arrondissement
3. du septentrion confrontant terres de la commune de Balmanye et suivant la crête de la montagne jusques au sommet de las Canals
4. du couchant confrontant M. Reynés de Perpignan e en descendant jusqu’au Roc del Bourat, M. Poch de ST Laurent de Cerdans , et en descendant encore allant au Roc Tallayadou jusques à la rivière du riu Ferrer qui forme la division du sieur Poch et des dits pasquiers et en suivant la rivière jusqu’au Pas de la Fargasse ; et de là confrontant avec Delclos de Tresserre et Maler de Calmeilles.
Les communes de Corsavy, Arles et Montbolo ont le droit d’envoyer leurs bestiaux sur ces pasquiers. La commune de Corsavy paye seule une somme de 10 francs.
Ce domaine appartient la caisse d’amortissement comme provenant de l’ancien Domaine

« Adjugé à M. François Segaleres, propriétaire, domicilié à Perpignan, pour la somme de 13600 francs
Pour sûreté du prix de la vente le dit adjudicataire a déclaré hypothéquer le dit immeuble a lui vendu et tout de suite le dit sieur Segaleres a déclaré avoir acheté pour et au nom du sieur François Vilanova, fils, domicilié à Thuir, ici présent et acceptant en faveur duquel il fait élection d’ami »

1810

L’adjudication des pacages de Corsavy a eu lieu en faveur de Joseph Vilanova-Darguines command du sieur Segaler, le 10 novembre 1810 moyennant la somme de 13600 francs

Réclamation

Joseph Galangau, André Roca Marti, Joseph Figuères, François Xatard, Joseph Valls, propriétaires domiciliés à Montferrer, Michel Sors-Llau, propriétaire demeurant à Prats, Pierre Sola, Jacques Sors-Vilanova, propriétaires demeurant à Montbolo, Jacques Llobet, Antoine Garcias, propriétaires demeurant à St Laurent de Cerdans, et Jean Trescases propriétaire à Oms
Dénoncent une injustice dont se sont rendus coupables à leur égard les sieurs Joseph Vilanova-Darguines et François Vilanova, père et fils, domiciliés à Thuir
Les exposants s’étaient mis d’accord pour poursuivre l’adjudication jusqu’à la somme de 20000 francs
Une première offre fut faite par Galangau pour 16500 francs « Pendant qu’on faisait la publication, le sieur Segaleres fils, se présente pour enchérir et fit une offre de 13600 francs. Surpris de l’apparition inopinée et de l’offre de ce prétendant, certains exposants, au nombre desquels le sieur Joseph Vilanova se réunirent pour déterminer ce qu’ils devaient faire. Le sieur Joseph Vilanova les dissuade de vouloir renchérir en disant que l(objet de l’adjudication étai d’une valeur inférieure à la somme offerte par le sieur Ségaleres, et que ce jeune homme, étranger au terroir de Corsavy où il n’avait aucun besoin de pacages ne manquerait pas de se trouvé forcé et heureux de leur céder le produit de l’adjudication »
L’adjudication étant terminée, ils apprennent avec surprise que le sieur Segaleres était le prête-nom de Joseph Vilanova- Darguines par l’entremise de son fils en faveur duquel l’acte d’adjudication fut passé le lendemain

1844

Procès Vilanova – héritiers Lanquine

A M. le Préfet

Les sieurs Louis Lanquine, capitaine en retraite, Jean Companyo-Lanquine, docteur en médecine et Louis Companyo-Lanquine, capitaine en retraite, tous domiciliés à Perpignan, petits-enfants en ligne directe de Jean Lanquine-Lafite, leur aïeul, décédé en 1801 en état d’émigration, ont fait assigner en justice le sieur François Vilanova, propriétaire foncier, domicilié à Corsavy, pour délaisser et restituer aux requérants une grande tenance de montagne, nature terre, bois et pâturages, de contenance de plus de 150 ha, située au terroir de la commune de Corsavy, confrontant la rivière du Riu Ferrer, avec les successeurs de Maler et de Delclos, avec le terroir de Léca, avec les ci-devant Pasquiers Royaux de Corsavy, dont la tenance avait fait partie, possédée par le sieur Vilanova, ravin de la Pinousette entre deux ( et non pas de Cardebère), et avec la devèze de Valbonne aujourd’hui d’en Boix, laquelle tenance revendiquée ensemble avec la partie vendue le 7 mai 1788 par ledit Jean Lanquine-Lafite avec acte public contrôlé dont sera mention ci-après, fure,nt aliénés à titre d’acendement par l’ancien Domaine à feu leur dit aïeul, acte du 17 mai 1779, confirmé par arrêt du Conseil du 29 juillet 1783, enregistré au registre particulier de provision au folio 90 de la chambre des Domaines avec restitution des fruits perçus
- arrêt du Conseil souverain du Roussillon du 19/1/1789 entre le feu Jean Lanquine-Lafite en qualité de propriétaire et plusieurs particuliers de Montferrer à l’occasion du pâturage de la même tenance
- - acte du 7/5/1788 par lequel le sieur Lanquine, par l’intermédiaire de Joseph Lanquine, son fils, vendit à M. Jean Poch, à titre irrévocable, de St Laurent de Cerdans, une partie de ce terrain, dite Solane, située au terroir de Corsavy, laquelle ensemble avec la restante partie dite Lo Bac que le sieur Jean Lanquine possède au même terroir, faisaient ci-devant partie des Pasquiers du Roi et la totalité du terrain acensé.
Les demandeurs prétendent ainsi établir leur qualité et leur droit actif à la dite tenance de terre qui n’a jamais été séquestrée, jamais vendue par l’Etat, mais au contraire restituée à Jean Lanquine, co-exposant, fils du dit émigré, déjà décédé, dans l’article 2 de son certificat et arrêté d’amnistie du 1er pluviôse An XI en due forme produit et procès qui porte
- Article 1 Amnistie accordée pour fait d’émigration à Louis Lanquine (mineur)
- Article 2 Il rentrera en conséquence dans la jouissance de ceux de ses biens qui n’ont été ni vendus ni exceptés par l’article 17 du senatus-consulte
Enfin le défenseur a fait signifier le 26 dernier pendant les vacations une requête en défense appuyée par un acte administratif du 10 9bre 1810 par lequel M. le Préfet lui aurait adjugé aux enchères une partie des pasquiers Royaux de Corsavy dans les limites desquels il prétend que se trouve englobée la tenance litigieuse dont s’agit

Réponse de Vilanova

Le sieur Jean Lanquine ne possédait ce bien qu’à titre d’emphytéose ou d’assensement ; ce bien était domanial. Or les lois du 3 et 17 septembre 1792 et du 10 frimaire an 2, ont dénoncé la révocation complète de toutes les aliénations et concessions du Domaine. La loi du 14 ventose an 2 a confirmé leurs dispositions.
Le gouvernement a été libre de disposer comme il voulait de la propriété dont il s’agit, ce qu’il a fait par acte administratif du 10 9bre 1810 : l’administration, dans cet acte, ne déclare pas que les Pasquiers vendus proviennent des confiscations opérées sur Jean Lanquine, émigré, mais elle avance qu’il s’agit d’un bien national appartenant à la Caisse d’Amortissement comme provenant de l’Ancien Domaine.

Le Préfet

Le Préfet des Pyrénées-Orientales estime que les pétitionnaires ne justifient point que le sieur Jean Lanquine ait conservé les droits qu’il pouvait avoir sur la tenance dont s’agit, qu’il ne possédait qu’à titre d’assensement à lui accordé par acte du 20 avril 1779.
Estime que la demande en recours des pétitionnaires doit être rejetée
A Perpignan le 25 avril 1745

Conseil de Préfecture
Le 24 janvier 1848

Vu la pétition présentée par les héritiers Lanquine aux fins de déclarer qu’une tenance appelée « Devèze de Lanquine » acensée à leur auteur par contrat du 17 mai 1779 n’a pas été comprise dans la vente des pasquiers royaux de Corsavy faite par l’état au sieur François Vilanova par acte du 10 novembre 1820,
Et que s’il s’élève à l’égard de cette vente des difficultés qui ne puissent être résolues par des enquêtes et auditions de témoins, les parties sont renvoyées à se pourvoir, ainsi qu’elles aviseront.